19 novembre 2015

Journaputes : Suite aux attentats, les journalistes d'Etat modifient rétrocativement leurs articles dérangeants !


J’avais vu sortir sur le web hier le cas de France Inter, qui a modifié un de ses articles assez dérangeant :

Aujourd’hui :


La semaine passée encore (merci archive.org !) :

 

Heum heum, fantasme assez réel, en effet.. Et merci pour “l’explication” – ils n’allaient pas laisser penser que Le Pen ou Estrosi avaient raison sur ce point là – alors que c’est du simple bon sens : comme s’il n’y avait pas un risque colossal que Daesh profite de l’émigration de dizaines de milliers de Syriens pour glisser quelques hommes à lui dans le lot…

J’avais trouvé cette manipulation du texte très dérangeante, mais, bon, il y a d’autres urgences.


EDIT : 18/11 On me signale qu’en effet France Inter a inséré à droite du texte :


Je n’ai pas souvenir d’avoir vu ça dimanche. sois j’étais inattentif (comme ce soir), soit ça a été rajouté après la polémique sur le web, je ne sais pas.

C’est mieux, mais j’ai du mal à comprendre : qu’ils enlèvent le nom de la journaliste, je peux très bien comprendre, mais qu’ils modifient le texte, non. Cela engage France Inter. Et puis effet Streisand garanti…

Arrêts sur Images a analysé ce cas d’ailleurs…

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Et voilà qu’aujourd’hui un lecteur me signale que Paris Match a fait de même pour l’interview choc du juge Trévidic du 30 septembre dernier :

Aujourd’hui :


Ça m’avait étonné, car j’ai repris cette interview sur le site, mais j’avais changé le titre tant il était insipide et correspondait peu au contenu explosif de l’interview. J’aurais dû me méfier de cette “frilosité” peu courante dans les médias – mais outre que je manque de temps vu l’urgence, j’avoue que je n’aurais pas pensé qu’un grand média ose faire ça, mea culpa (notez que c’est marqué en tout petit, la date de modification a en effet changé)… Et en effet, on voit que l’adresse de la page comporte l’ancien titre…

La semaine passée encore en effet (merci archive.org !) :

 

Tiens, c’est vrai qu’on pourrait se demander :
ce qu’on a fait pour être leur “ennemi numéro 1″ (genre les bombarder, bomber plein d’États musulmans, ne pas régler le conflit israelo-palestinien, etc) ;
pourquoi on n’écoute pas le “cri d’alarme” (qui a disparu) du plus grand juge anti-terroriste français ;
voire, soyons fou, s’il faut demander des comptes à nos dirigeants…

C’est classique dans plein de domaines : quand on alerte avant le drame, on est un sale “pessimiste”. Quand le drame a eu lieu, il faut vous effacer, car vous êtes la preuve de l’incompétence des décideurs, qui ne vous ont pas écouté. On peut alors sortir le “personne n’avait pu prévoir que…”

Bref, il n’y a pas mort d’homme, le corps des billets n’ayant pas été modifié, mais il ne faudrait pas que ça s’étende… – et ça donne en tous cas des arguments aux “tous pourris” contre les journalistes (tu m’étonnes qu’il y a des complotistes délirants quand ils voient des trucs comme ça)…

Il faudrait peut être qu’un rappel déontologique ait lieu : on ne modifie pas rétroactivement des archives dérangeantes !

P.S. signalez-nous si vous tombez sur d’autres choses comme ceci…

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Nous n’en sommes évidemment pas là, mais, relisons 1984 d’Orwell (1948) pour finir :

“À partir de ce moment, la guerre, pour ainsi dire, n’avait jamais cessé, mais, à proprement parler, ce n’était pas toujours la même guerre. Pendant plusieurs mois de l’enfance de Winston, il y avait eu des combats de rue confus dans Londres même, et il se souvenait avec précision de quelques-uns d’entre eux. Mais retrouver l’histoire de toute la période, dire qui combattait contre qui à un moment donné était absolument impossible. Tous les rapports écrits ou oraux ne faisaient jamais allusion qu’à l’événement actuel. En ce moment, par exemple, en 1984 (Si c’était bien 1984) l’Océania était alliée à l’Estasia et en guerre avec l’Eurasia. Dans aucune émission publique ou privée il n’était admis que les trois puissances avaient été, à une autre époque, groupées différemment. Winston savait fort bien qu’il y avait seulement quatre ans, l’Océania était en guerre avec l’Estasia et alliée à l’Eurasia. Mais ce n’était qu’un renseignement furtif et frauduleux qu’il avait retenu par hasard parce qu’il ne maîtrisait pas suffisamment sa mémoire. Officiellement, le changement de partenaires n’avait jamais eu lieu. L’Océania était en guerre avec l’Eurasia. L’Océania avait, par conséquent, toujours été en guerre avec l’Eurasia. L’ennemi du moment représentait toujours le mal absolu et il s’ensuivait qu’aucune entente passée ou future avec lui n’était possible. [...]

Le Parti disait que l’Océania n’avait jamais été l’alliée de l’Eurasia. Lui, Winston Smith, savait que l’Océania avait été l’alliée de l’Eurasia, il n’y avait de cela que quatre ans. Mais où existait cette connaissance ? Uniquement dans sa propre conscience qui, dans tous les cas, serait bientôt anéantie. Si tous les autres acceptaient le mensonge imposé par le Parti – si tous les rapports racontaient la même chose –, le mensonge passait dans l’histoire et devenait vérité. « Celui qui a le contrôle du passé, disait le slogan du Parti, a le contrôle du futur. Celui qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. » Et cependant le passé, bien que par nature susceptible d’être modifié, n’avait jamais été retouché. La vérité actuelle, quelle qu’elle fût, était vraie d’un infini à un autre infini. C’était tout à fait simple. Ce qu’il fallait à chacun, c’était avoir en mémoire une interminable série de victoires. Cela s’appelait « Contrôle de la Réalité ». On disait en novlangue, double pensée. [...]

Elle était, par certains côtés, beaucoup plus fine que Winston et beaucoup moins perméable à la propagande du Parti. Il arriva une fois à Winston de parler, à propos d’autre chose, de la guerre contre l’Eurasia. Elle le surprit en disant avec désinvolture qu’à son avis il n’y avait pas de guerre. Les bombes-fusées qui tombaient chaque jour sur Londres étaient probablement lancées par le gouvernement de l’Océania lui-même, « juste pour maintenir les gens dans la peur ». C’était une idée qui, littéralement, n’était jamais venue à Winston. Julia éveilla encore en lui une sorte d’envie lorsqu’elle lui dit que, pendant les Deux Minutes de la Haine, le plus difficile pour elle était de se retenir d’éclater de rire. Mais elle ne mettait en question les enseignements du Parti que lorsqu’ils touchaient, de quelque façon, à sa propre vie. Elle était souvent prête à accepter le mythe officiel, simplement parce que la différence entre la vérité et le mensonge ne lui semblait pas importante.

Elle croyait, par exemple, l’ayant appris à l’école, que le Parti avait inventé les aéroplanes. Winston se souvenait qu’à l’époque où il était, lui, à l’école, vers 1958-59, c’était seulement l’hélicoptère que le Parti prétendait avoir inventé. Une douzaine d’années plus tard, pendant les années de classe de Julia, il prétendait déjà avoir inventé l’aéroplane. Dans une génération, il s’attribuerait l’invention des machines à vapeur. Et quand il lui dit que les aéroplanes existaient avant qu’il fût né et longtemps avant la Révolution, elle trouva le fait sans intérêt aucun. Après tout, quelle importance cela avait-il que ce fût celui-ci ou celui-là qui ait inventé les aéroplanes ?

Ce fut plutôt un choc pour Winston de découvrir, à propos d’une remarque faite par hasard, qu’elle ne se souvenait pas que l’Océania, il y avait quatre ans, était en guerre contre l’Estasia et en paix avec l’Eurasia. Il est vrai qu’elle considérait toute la guerre comme une comédie. Mais elle n’avait apparemment même pas remarqué que le nom de l’ennemi avait changé.

– Je croyais que nous avions toujours été en guerre contre l’Eurasia, dit-elle vaguement.

Winston en fut un peu effrayé. L’invention des aéroplanes était de beaucoup antérieure à sa naissance, mais le nouvel aiguillage donné à la guerre datait de quatre ans seulement, bien après qu’elle eût grandi. Il discuta à ce sujet avec elle pendant peut-être un quart d’heure. À la fin, il réussit à l’obliger à creuser sa mémoire jusqu’à ce qu’elle se souvînt confusément qu’à une époque c’était l’Estasia et non l’Eurasia qui était l’ennemi. Mais la conclusion lui parut encore sans importance.

– Qui s’en soucie ? dit-elle avec impatience. C’est toujours une sale guerre après une autre et on sait que, de toute façon, les nouvelles sont toujours fausses.

Il lui parlait parfois du Commissariat aux Archives et des impudentes falsifications qui s’y perpétraient. De telles pratiques ne semblaient pas l’horrifier. Elle ne sentait pas l’abîme s’ouvrir sous ses pieds à la pensée que des mensonges devenaient des vérités. [...]

– Te rends-tu compte que le passé a été aboli jusqu’à hier ? S’il survit quelque part, c’est dans quelques objets auxquels n’est attaché aucun mot, comme ce bloc de verre sur la table. Déjà, nous ne savons littéralement presque rien de la Révolution et des années qui la précédèrent. Tous les documents ont été détruits ou falsifiés, tous les livres récrits, tous les tableaux repeints. Toutes les statues, les rues, les édifices, ont changé de nom, toutes les dates ont été modifiées. Et le processus continue tous les jours, à chaque minute. L’histoire s’est arrêtée. Rien n’existe qu’un présent éternel dans lequel le Parti a toujours raison. Je sais naturellement que le passé est falsifié, mais il me serait impossible de le prouver, alors même que j’ai personnellement procédé à la falsification. La chose faite, aucune preuve ne subsiste. La seule preuve est à l’intérieur de mon cerveau et je n’ai aucune certitude qu’un autre être humain quelconque partage mes souvenirs. [...]

Je ne pense pas que nous puissions changer quoi que ce soit pendant notre existence. Mais on peut imaginer que de petits nœuds de résistance puissent jaillir çà et là, de petits groupes de gens qui se ligueraient et dont le nombre augmenterait peu à peu. Ils pourraient même laisser après eux quelques documents pour que la génération suivante reprenne leur action au point où ils l’auraient laissée. [...]

Au sixième jour de la Semaine de la Haine, après les processions, les discours, les cris, les chants, les bannières, les affiches, les films, les effigies de cire, le roulement des tambours, le glapissement des trompettes, le bruit de pas des défilés en marche, le grincement des chenilles de tanks, le mugissement des groupes d’aéroplanes, le grondement des canons, après six jours de tout cela, alors que le grand orgasme palpitait vers son point culminant, que la haine générale contre l’Eurasia s’était échauffée et en était arrivée à un délire tel que si la foule avait pu mettre la main sur les deux mille criminels eurasiens qu’on devait pendre en public le dernier jour de la semaine, elle les aurait certainement mis en pièces ; juste à ce moment, on annonça qu’après tout l’Océania n’était pas en guerre contre l’Eurasia. L’Océania était en guerre contre l’Estasia. L’Eurasia était un allié.

Il n’y eut naturellement aucune déclaration d’un changement quelconque. On apprit simplement, partout à la fois, avec une extrême soudaineté, que l’ennemi c’était l’Estasia et non l’Eurasia. [...]

L’Océania était en guerre contre l’Estasia. L’Océania avait donc toujours été en guerre contre l’Estasia. Une grande partie de la littérature politique de cinq années était maintenant complètement surannée. Exposés et récits de toutes sortes, journaux, livres, pamphlets, films, disques, photographies, tout devait être rectifié, à une vitesse éclair. Bien qu’aucune directive n’eût jamais été formulée, on savait que les chefs du Commissariat entendaient qu’avant une semaine ne demeure nulle part aucune mention de la guerre contre l’Eurasia et de l’alliance avec l’Estasia.

Le travail était écrasant, d’autant plus que les procédés qu’il impliquait ne pouvaient être appelés de leurs vrais noms. Au Commissariat aux Archives, tout le monde travaillait dix-huit heures sur vingt-quatre, avec deux intervalles de trois heures de sommeil hâtif. Des matelas furent montés des caves et étalés dans tous les couloirs. Les repas consistaient en sandwiches, et du café de la Victoire était apporté sur des chariots roulants par des gens de la cantine.

Chaque fois que Winston s’arrêtait pour un de ses tours de sommeil, il tâchait de ne pas laisser de travail à faire sur son bureau. Mais lorsqu’il se traînait, les yeux collants et malades, vers sa cabine, c’était pour trouver une autre pluie de cylindres de papier qui recouvraient le bureau comme un monceau de neige et commençaient à s’abattre sur le parquet. Si bien que le premier travail était toujours de les entasser en une pile assez régulière pour avoir la place de travailler. Le pire était que le travail n’était pas du tout purement mécanique. Souvent, il suffisait simplement de substituer un nom à un autre, mais tout rapport détaillé d’événements demandait de l’attention et de l’imagination. Les connaissances géographiques mêmes, nécessaires pour transférer la guerre d’une partie du monde dans une autre, étaient considérables.

Au troisième jour, il avait des maux d’yeux insupportables et il lui fallait essuyer ses verres à chaque instant. C’était comme de lutter contre une tâche physique écrasante, quelque chose qu’on aurait le droit de refuser, mais que l’on était néanmoins nerveusement anxieux d’accomplir. Autant qu’il pût s’en souvenir, Winston n’était pas troublé par le fait que tous les mots qu’il murmurait au phonoscript, tous les traits de son crayon à encre étaient des mensonges délibérés. Il était aussi désireux que n’importe qui dans le Département, que la falsification fût parfaite.

Le sixième jour au matin, l’écoulement des cylindres ralentit. Pendant près d’une demi-heure, rien ne sortit du tube, puis il y eut un autre cylindre, puis plus rien. Partout, au même moment, le travail ralentit. Un profond et secret soupir fut exhalé dans tout le Commissariat. Une œuvre importante, dont on ne pourrait jamais parler, venait d’être achevée. Il était maintenant impossible à aucun être humain de prouver par des documents qu’il y avait jamais eu une guerre contre l’Eurasia.”


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