19 février 2017

La géopolitique du Fake-coup de fil



On va dire que cela ne s’invente pas et c'est tellement remarquable qu'il y aura des sceptiques à qui on ne le fait pas pour juger que c’est un montage pour nous faire croire à des situations qui sont des machinations dans lesquelles nous donnons tête baissée. Mais l’assurance et la certitude avec laquelle la Représentante Maxine Waters et le sénateur John McCain répondent à ces Fake-coup de fil de blagueurs-blogers nous font comprendre leur audace extrême (l’audace de Waters qui veut la destitution de Trump, l’audace de McCain qui veut la Guerre mondiale contre la Russie), – dans tous les cas, selon le point de vue de l’adage audiardesque sur ceux qui “osent tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît”... Mais reprenons dans l’ordre chronologique.


• Le 7 février, la Représentante Maxine Waters, de la Californie, annonce pompeusement au cours d’une conférence de presse qu’elle n’a “pas encore réclamé la destitution du président Trump” parce que Trump se charge tout seul du travail de rendre sa destitution inévitable. L’heure venue, Maxine agira, contre ce type “qui prend Poutine dans ses bras alors que Poutine continue à progresser en Corée...” : « How can a president, who is acting in the manner that he's acting, whether he's talking about the travel ban, the way that he's talking to Muslims, or whether he's talking about his relationship to Putin, and the Kremlin... and knowing that they have hacked our D-triple-C... DNC, and knowing that he is responsible for supplying the bombs that killed innocent children and families in, um – in, um– yeah, in Aleppo, and the fact that he is wrapping his arms around Putin while Putin is continuing to advance into Korea... [...] I think that he is leading himself into that kind of position where folks will begin to ask, what are we going to do? And the answer is going to be, eventually, we've got to do something about him. We cannot continue to have a president who's acting in this manner. It's dangerous to the United States of America. »

Ce qui, en français, donne rapidement ceci, pour l’essentiel de ce que nous déclare Waters : « Et se rendant compte qu'il [Poutine] est responsable de l'approvisionnement des bombes qui ont tué des enfants et des familles innocentes à hum… hum...”. Quelqu'un près d’elle murmure : ”Alep ”. “Ouais, à Alep”, poursuit Walters, “et le fait qu’il [Trump] serre Poutine dans ses bras alors que Poutine continue d'avancer en Corée...” »

Le jour même, le mathématicien et philosophe Jonas E. Alexis, citoyen américain qui travaille en Corée du Sud, fait un commentaire en citant Schopenhauer, Kant et G.K. Chesterton qui se lamente sur l’irresponsabilité extraordinaire du “nouveau rebelle” pour introduire un rapide constat sur la déclaration de Maxine. Le plus incroyable, pour lui, c’est que personne n’a averti ni démenti la parlementaire à propos de son affirmation coréenne, après qu'elle l'ait faite. Il est vrai que la presseSystème, de son côté, s’est bien gardée de relever l’étonnante affirmation de Maxine, – peut-être se sont-ils dit qu’elle disposait d’informations encore secrètes ; et puis une Maxine Waters qui est Africaine-Américaine, ça se respecte au nom du multiculturalisme et de l’antiracisme. Alexis, qui est aussi Africain-Américain et se fiche bien de ces conventions, remarque :

« “Therefore the modern man in revolt has become practically useless for all purposes of revolt. By rebelling against everything, he has lost his right to rebel against anything.” [Chesterton, Orthodoxy]

» This brings us to our central point: when politicians deny the moral and political order, they will end up positing crazy assertions that could probably stun even a toddler. If you think this is madness, then think again. Maxine Waters, the U.S. Representative for California’s 43rd congressional district, has just come out and declared that Vladimir Putin “is continuing to advance into Korea”! I live in Korea and perhaps I need to warn some of my Korean friends that a storm is coming.

» The sad thing is that Waters wasn’t even challenged by members of her group-think for upholding such a crazy idea. These people seem to think that whatever comes out of their mouth, regardless of how stupid, must be true. Do you now see how Russia is making the New World Order and its agents look really bad? »


• Nantis de ces informations, deux blagueurs-blogers russes déjà connus sous leurs pseudos de “Vovan & Lexus” pour des interventions dès 2014 au nom de politiciens ukrainiens ont décidé de vérifier sur le vif les capacités de la représentante Waters, grâce aux moyens antiques de la “blague téléphonique” et en se faisant passer pour le Premier ministre ukrainien “Vladimir Groïssam”. La chose a excellemment marché, et le Représentante de la Californie également. “Vovan & Lexus” l’ont donc informée de l’extension de l’invasion russe en Ukraine jusqu’à Lvov, de l’attaque russe au Gabon, de l’interférence russe dans les présidentielles d’un pays nommé Limpopo, qui se trouve être également le nom d’une province d’Afrique du Sud, permettant à un “fantoche du Kremlin” de prendre le pouvoir, enfin des intrusions de RT pour priver le susdit Premier ministre ukrainien de son émission préférée à la TV ukrainienne (la diffusion de la conférence de presse du 6 février de Walters sur C-Span ayant été également interrompue une dizaine de minutes par un incident technique diffusant les émissions courantes de RT à la place, – voilà qui institue une de ces solidaités qui scellent les meilleures alliances). TheDuran.Com reprend toute l’affaire (avec vidéo et citant également RT) qui se termine par un sonore « We stand with you, guys » de Waters. Spoutnik-français donne une transcription approximative de quelques passages :

“Vovan & Lexus” « ont annoncé que la Russie poursuivait sa politique agressive en Ukraine et que les troupes russes occupaient déjà Donetsk et lvov.

» Waters : “Comment ça s’écrit? Lvov?”

» “Vovan & Lexus” : “Oui, ou Lviv à l’Ouest.”

» Waters : “Qui est à l’Ouest?

» “Vovan & Lexus” : “Les troupes de Poutine.” Et de poursuivre: “Vladimir Poutine a envoyé ses troupes au Gabon pour soutenir le régime d’Ali Bongo.” [Le “premier ministre” a également] déclaré que les hackers russes avaient pu pirater la présidentielle au Limpopo pour mettre au pouvoir “le fantoche du Kremlin”, Aïbolite, faisant référence aux aventures du docteur Aïbolit (le docteur Aïejémal), du conte de Korneï Tchoukovski, qui soignait des animaux près du Limpopo.

» Waters : “Je ne sais pas combien de personnes de nos services de renseignement nous avons là-bas, mais je vais m’en informer et nous allons faire une déclaration sur l’agression dans ces villes... [Savez-vous] qui se cache derrière l’attaque russe lors des élections au Limpopo ?”

» “Vovan & Lexus” : “Les hackers russes Vovan et Lexus.” [...] “Vous savez ce qui est arrivé à notre président, il était assis à regarder une chaîne ukrainienne, et tout à coup la télé s’est mise à diffuser la chaîne RT!”

» Waters : “Oh! J’ai vécu la même chose!” »

• Jusqu’ici, ce n’est qu’anecdotique, notamment en raison du peu d’intérêt politique présenté par Waters, mais la blague téléphonique est devenue tactique de Fake-géopolitique avec une intervention des deux mêmes, hier, cette fois auprès du sénateur McCain. L’intervention de “Vovan & Lexus” s’est déroulée là aussi à la perfection, pendant une dizaine de minutes, ce qui a permis d’apprendre ce que McCain pensait notamment de Trump et de sa politique russe, entre autres choses ; on le savait, certes, et il n’y a aucune surprise, mais avoir la chose d’une manière aussi directe et aussi claire de la part de McCain la rend beaucoup plus précieuse, tout comme avoir la confiirmation que ce que l'on pense qu'il pense est complètement confirmé ... Voici le texte de TheDuran.Com du 19 février, avec vidéo.

« Now, though, Vovan & Lexus have phoned a far more prominent American politician, Senator John McCain, again in the guise of being the Ukrainian Prime Minister. [...] [...T]he prank phone call was far more serious than it was comical. It offers the world an insight into how Senator McCain actually speaks to Kiev representatives. During the course of the phone call, McCain expressed open contempt for Donald Trump and admitted that because of Trump questions of removing Russian sanctions, Ukrainian membership of NATO and the EU and aid for Kiev’s war of aggression have transformed from Washington gospel into a big question mark. McCain’s repeated acknowledgment of ‘Putin’s aggression’ went far beyond agreeing with what the pranksters said. He was all too happy to encourage the fake Prime Minister in stating that Putin and Russia threaten the Baltics and Syria. [...]

» That being said, McCain showed open disdain and disloyalty to his country’s President, something made more worrisome by the fact that both men are technically Republican politicians. Donald Trump would be wise to listen to the phone call, should he have any doubt as to who his political enemies are. What’s more, Michael Flynn was effectively forced to resign from his position for having a phone call with the Russian ambassador designed to ease relations. McCain who ostensibly believed he was talking to the Ukrainian Prime Minister, has spoken to a ‘head of a foreign government’ speaking of his opposition to his own President. Logically if one condemns Flynn for his attempt at a constructive conversation, what does that make McCain?

» If anyone still questioned whether the neo-con elements of the Republican party are disloyal and contemptuous of Donald Trump, this seemingly innocent prank phone call offers a great deal of insight into just how deep the war party’s opposition to Donald Trump goes. »


... Il s’agit d’un étrange mélange de blague-potache, de dérision, de “pas-très-sérieux” et de ridicule, et d’autre part d’un révélateur de la légèreté avec laquelle se fait une politique complètement appuyée sur une complète narrative, de la croyance aveugle aux contraintes logiques du déterminisme-narrativiste, de la conviction sans la moindre interrogation de la politique belliciste, de l’appréciation aussi hostile, méprisante et inquiète de l’action de Trump qu’on peut le comprendre à entendre certaines interventions écrites et télévisées souvent jugées irresponsables et peu significatives. Bien entendu, le cas McCain est surtout considéré pour cela, parce qu’avec lui on touche aux conceptions et au jugement des hommes politiques les plus influents à Washington. Qu’une telle nullité intellectuelle et une telle croyance aveugles à la narrative soient ainsi confirmées au cours d’une conversation téléphonique pseudo-privée avec un pseudo-Premier ministre ukrainien dont personne n’a vérifié l’authenticité, en dit long sur l’extraordinaire absence de sens critique et de réflexion des gens du calibre de McCain qui pullulent à Washington. La réflexion est totalement submergée par l’affectivisme et ne laisse place à aucun espoir que la politique russe des USA puisse être modifiée selon les normes intellectuelles de la réflexion et de l’évaluation. On se trouve devant le mur absolument clos de la capacité mentale bloquée dans les automatismes exigés par le Système, entre le vide intellectuel de Waters et l’affectivisme paroxystique de McCain, l’un suiviste et l’autre hystérique.

Un autre enseignement à tirer est, d’une certaine façon, en complet contraste dans le domaine “qualitatif” avec ce qui précède. Autant l’attitude des Waters-McCain est au-delà de toute possibilité de déverrouillage, autant la pénétration de ces milieux par les plus simples moyens de communication apparaît d’une facilité dérisoire.( Le cas est ici particulièrement patent parce qu'il s'agit des rapports avec l'Ukraine, qui se sont établis, lors du “coup de Kiev” (avant et après février 2014] par des canaux informels et souvent illégaux, notamment avec les actions des ONG et des organisations type-Soros, avec des personnalités souvent primaires [le personnel politique ukrainien, baignant dans la corruption et l'illégalité], où les contacts se faisaient et se font souvent d'une manière très informelles sinon grossières, correspondant parfaitement aux haitudes de la pseudo-“politique extéieure” de la postmodernité. )

Si les agences diverses, comme la CIA et la NSA, surveillent tout et écoutent tout dans les réseaux les plus sophistiqués, on découvre que des blagueurs-blogers qui devraient être identifiés et signalés aux victimes potentielles puisqu'ils sont déjà intervenus (en Ukraine, depuis 2014) peuvent évoluer comme ils veulent. La simple “blague téléphonique” comme tout gamin d’il y a un demi-siècle pouvait faire en toute innocence continue à marcher et débouche dans les conditions actuelles sur des confidences qui sont d'un réel intérêt politique, comme dans le cas McCain. Il y a un contraste stupéfiant dans ce mélange de naïveté, d’inculture, d’ignorance, de la part de la machinerie du Système par ailleurs hérissé de défenses hyper-sophistiquées, enfoncée dans un univers d’exigences furieuses, de clearence et d’hyper-protection obsessionnelle pour le secret... Dans cette disproportion en forme de grand écart, dans ce déséquilibre incroyable entre obsession formelle de la protection la plus complexe et laisser-aller sinon ignorance complète de la protection la plus simple, on retrouve toujours la même équation surpuissance-autodestruction.

Pour autant, cela n’empêchera pas la Représentante du 49ème District de la Californie, qui est membre de la commission des affairesdes services financiers et l'une des plus expérimentées des membres de la Chambre, de faire ses discours assurés sur la félonie russe qui ne lui importe en rien, ni le sénateur McCain de susciter tous les votes et toutes les sanctions antirusses qui lui importent. Pour autant, cela ne nous empêchera pas de douter de la capacité d’une réelle efficacité de cette surpuissance : lorsque la surpuissance révèle de cette façon le vide de ceux qui l’animent, il n’y a plus qu’un petit pas pour basculer dans le domaine de l’autodestruction. Il faut y veiller et aider à la manœuvre.

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