11 août 2017

Purges : L’association "Regards Citoyens", qui suit le travail des Parlementaires, bientôt interdite !


Depuis 2009, l’association "Regards Citoyens" accomplit un travail statistique remarquable de suivi de l’activité des parlementaires qui mériterait d’être reconnu d’utilité publique. Début août pourtant, les trois députés questeurs de l’Assemblée nationale - élus par leurs pairs - ont suggéré à ces bénévoles de suspendre leur site au motif qu’il nourrirait l’antiparlementarisme. David Gayou, administrateur chez Regards Citoyens, confie son incompréhension.

Capital : L’échange téléphonique que vous avez eu avec les questeurs Laurianne Rossi (EM), Florian Bachelier (EM) et Thierry Solère (LR) ne s’est pas déroulé comme prévu...

David Gayou : C’est le moins que l’on puisse dire. Nous avions imaginé cette conversation comme un échange constructif. Nous voulions évoquer leurs propositions pour améliorer la transparence dans les deux assemblées. Mais aussi écouter leurs points de vue sur notre site et les axes d’amélioration possibles. Finalement, nous n’avons abordé aucun thème prévu et le rendez-vous s’est très mal passé.

C’est à dire ?

ll n’y a pas eu de menace explicite, mais les administrateurs de Regards Citoyens présents à cet échange l’ont ressenti comme une atteinte à l’indépendance de l’association, avec une forte tension tout au long de l’entretien. En résumé, les questeurs nous ont fait comprendre qu'à leurs yeux l'Assemblée fonctionnerait mieux sans notre travail associatif et ont même été jusqu'à suggérer une suspension de plusieurs mois de notre site.

Comment expliquez-vous une telle réaction ?

Nous ne voulons pas faire de procès d’intention. Il peut arriver que notre site NosDéputés.fr soit mal interprété : nous ne rendons compte que des informations effectivement publiques, notamment les prises de parole et la présence aux réunions de commissions, mais pas de la présence en hémicycle. Plusieurs députés se sont fait interpeller sur les réseaux sociaux sur leur supposé absentéisme alors qu'ils sont bien venus en séance pour voter mais ne sont que peu intervenus. Ces députés peuvent dès lors avoir le sentiment que leur travail est mal reflété… Les questeurs ont ainsi qualifié notre site de « système pervers », qui nourrirait « l’antiparlementarisme » et les « trolls parlementaires ». Ces propos outranciers nous ont poussé à publier sur notre site le courrier de réponse que nous leur avons adressé : il nous semble important de prendre l'opinion publique à témoin, face à ce type d'intimidations. A ma connaissance, c’est la première fois qu’un tel incident se produit depuis notre création.

Justement, dans cette lettre vous rappelez vos propositions pour améliorer la transparence parlementaire. On retrouve notamment la question de l’opacité de l’activité des… questeurs.

La questure est l'un des secrets les mieux gardés du Parlement. Chaque assemblée élit en début de législature trois questeurs. Ils sont notamment chargés de régir le budget de l’Assemblée nationale ou du Sénat au moyen d’un document gardé secret : le règlement budgétaire, comptable et financier. Il n’est consultable que par les 22 députés participant aux réunions du Bureau de l’Assemblée nationale (sur 577 députés au total). Même le déontologue n’y a pas accès et, bien entendu, le public non plus. C’est sur ce document que figurent les mécanismes régissant par exemple les frais de mandat mais aussi les avantages des anciens députés. On demande simplement la publication de ce règlement, celle de la comptabilité budgétaire (c'est à dire les dépenses engagées notamment pour l’entretien des bâtiments, les frais de fonctionnement de l’Assemblée nationale, les indemnisations...) ou encore la mise en place d’un compte rendu des décisions prises, ainsi qu’un relevé de présences. Nous souhaitons que cela devienne une source officielle d'informations publiques comme les autres en somme.

Vous proposez également un moyen de mesurer précisément la présence des députés dans l’hémicycle.

L’image du parlementaire a été fortement écornée au cours des dernières années... notamment à cause de l’absentéisme de quelques-uns. Pour mesurer l’activité d’un député, nous présentons une dizaine d'indicateurs : les dépôts d’amendements, les prises de parole, les rapports, les propositions de lois, les questions, etc. Mais nous ne pouvons pas prendre en compte les votes en hémicycle comme témoin de présence car chaque député présent est autorisé à voter par délégation pour un autre député absent. Or l'usage de ces délégations est totalement opaque. C'est pourquoi nous proposons de rendre transparentes ces délégations. Cela permettra de savoir à qui chacun confie son vote et qui est réellement présent à l'Assemblée. C’est dans l'intérêt même des députés dont beaucoup nous le demandent depuis longtemps. Bien entendu, on ne demande pas à avoir accès aux justificatifs de leurs absences, qui relèvent de leur vie privée, mais simplement que l'usage des délégations soit déclaré.

Dans votre quête de transparence, vous vous déclarez défavorable à la publication du patrimoine des élus. N’est-ce pas contradictoire ?

Non. Jamais aucune information intéressante n’a été extirpée ce ces déclarations. On a juste retenu des informations secondaire comme le combi Volkswagen de Jean-Marc Ayrault ou les vélos de Christiane Taubira. La publication du patrimoine des élus a été décidée à la suite de l’affaire Jérôme Cahuzac. Mais c’est un procédé très invasif, car il dévoile le lieu de résidence de l’élu. A la différence des ministres, les élus n’ont pas de protection civile. Et lorsqu’on entend le nombre de permanences d’élus qui se font dégrader, on se dit que ça pourrait bientôt être le tour de leurs domiciles. En revanche, nous sommes favorables à la publication d'une évolution du patrimoine des élus au cours de leur mandat, transparence suffisante pour restaurer la confiance des citoyens.

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