22 septembre 2017

L’imposture de Pasteur

La fraude scientifique. On la cache, on la nie. Pourtant, elle existe. Les cas sont plus nombreux que l’on ne pense. Scientifiques de renom ou chercheurs à la popularité plus modeste, ils ont manipulé leurs recherches et leurs résultats pour confirmer une conviction, se faire (re)connaitre, devenir pionniers dans leur domaine ou par pure folie. Ce blog se destine à tous les curieux qui se sont un jour interrogés sur ces fraudes sans trouver de réponses concrètes à leurs questions.

La fraude concerne jusqu’aux personnages les plus emblématiques de la culture scientifique. Même Pasteur, ce célèbre scientifique français, chimiste et physicien de formation n'a pas toujours respecté la déontologie. Comment le sait-on ? Parce qu’il notait toutes ses hypothèses, les substances qu’il utilisait et les résultats de ses expériences dans des carnets de laboratoire. Il a ainsi laissé derrière lui 102 recueils de notes qui ont tous été interdits à la consultation du public pendant près d’un siècle. Ce n’est que dans les années 1970 que les étudiants et les chercheurs ont pu les consulter à la Bibliothèque nationale de France. Dr. Gerald L. Geison s’est penché sur ces carnets et y a trouvé de nombreuses incohérences avec les publications des travaux de Pasteur.

Louis Pasteur est une figure de la Science, un personnage de l’Histoire française et pourtant tout cela ne repose au final que sur du vide, un mensonge. C’est un homme qui a su jouer de ses relations et de son audace pour arriver à ses fins et à créer un mythe. Il a proclamé siens des résultats appartenant à d’autres, et cela en toute impunité. De nos jours encore, le public ne connaît pas la vérité sur cet homme et continue à lui attribuer le vaccin contre la rage et, par extension, la technique de la vaccination. Pourtant, il ne l’a pas inventé et ce n’est même plus sa préparation, trop dangereuse, que l’on utilise actuellement. La manière dont il a réussi à imprimer son image et son œuvre fictive dans l’imaginaire collectif est un véritable tour de force.

En lisant ses notes, on découvre certes, qu’il a testé le vaccin antirabique sur 50 chiens enragés avec des résultats concluants. Néanmoins, c’est une nouvelle version non testée sur les animaux qu’il a injectée au petit Meister lors de sa démonstration la plus connue. Après de premiers essais sur l’Homme couronnés de succès, son vaccin devient célèbre et les gens viennent se faire vacciner en masse ; chaque « guérison » est considérée comme une preuve de l’efficacité du vaccin et cela même si on ne sait pas si le chien responsable de la morsure avait bien la rage... Pourtant, en 1886, un enfant décède 24 jours après l’injection et Pasteur fait l’objet d’une plainte déposée par le père de la victime. Une autopsie est alors demandée pour déterminer les causes du décès. André Loir, neveu et ancien assistant-préparateur de Pasteur, raconte que c’est un collaborateur proche du scientifique, Emile Roux, qui a été chargé de faire un premier rapport. Il a inoculé un extrait du bulbe rachidien de l’enfant à des lapins qui développent alors la rage. Il n’a cependant pas communiqué ces résultats incriminant Pasteur. Un médecin légiste, Paul Brouardel, a été ensuite chargé de vérifier les dires de Roux. Comprenant la situation, il a pris le parti de l’accusé: « Si je ne prends pas position en votre faveur, c’est un recul immédiat de cinquante ans dans l’évolution de la science, il faut éviter cela ! ». Il affirme que l’enfant n’est pas mort de la rage.

A la fin des années 1890, c’est un autre jeune garçon qui meurt en présentant des symptômes atypiques : c’est une rage humaine à symptômes de rage de lapin ; on surnommera cette maladie rage de laboratoire ou encore rage Pasteur, sachant que le scientifique faisait ses vaccins à partir de virus prélevé sur de la moelle de lapins... En 1908, le traitement est abandonné au profit du vaccin phéniqué de Fermi dans le monde entier, excepté en France où on attend les études de Lépine et Sautter de 1937 qui démontrent que les vaccins phéniqués protègent les lapins dans une proportion de 77,7 % alors que la méthode de Pasteur n’en protège que 35 %. L’arrêt total de l’utilisation du vaccin ne se fera pourtant qu’en 1973.

Plus on fouille dans les notes, plus on se rend compte de la manière de travailler de Pasteur. Il reprend visiblement les travaux de ses pairs. Il s’est ainsi intéressé à la dissymétrie moléculaire et à la fermentation alors que les études sur le sujet étaient déjà bien avancées. Ses expériences sur la génération spontanée sont basées sur des principes vieux de plus d’un siècle. Pour finir, la vaccination a été inventée par Edward Jenner à la fin du XVIIIe siècle. Pourtant, on continue à associer ces découvertes à Louis Pasteur.
André Pichot, chercheur au CNRS en épistémologie et histoire des sciences, remarque que Pasteur « donne parfois même l’impression de se contenter de vérifier des résultats décrits par d’autres [...] c’est précisément quand il reprend des démonstrations laissées, pour ainsi dire, en jachère, qu’il se montre le plus novateur : le propre de son génie, c’est son esprit de synthèse .»

A la lumière de ces informations, on peut encore considérer Pasteur comme un génie mais dont les compétences tiennent plus de la rhétorique et des relations publiques que des sciences dures...

Eric GEBUS

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Bulletin de l'Académie de médecine, séances de janvier 1887, Paris, en particulier p. 158.
ALTMAN, Lawrence, « The Doctor’s World ; Revisionist History Sees Pasteur As Liar Who Stole Rival's Ideas », NewYork Times, 16 mai 1995.
DEBRE, Patrice. Louis Pasteur, Paris, Flammarion, 1994, en particulier p. 482-485 et la citation p. 383.
GAMET, André, La Rage, Paris, PUF, coll. «Que sais-je ?», 1973, en particulier p. 88.
P. LEPINE, et V. SAUTTER, « Essais expérimentaux sur la valeur pratique des vaccins antirabiques phéniqués », Annales de l'Institut Pasteur, vol. 59, 1937, p. 39-56.

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